Profils : des témoignages sensibles

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Curiosités
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Profils est un ensemble de podcasts uniques diffusés sur Arte radio. Histoires de familles, témoignages, récits de vie ou fictions, ces podcasts réalisés par différents auteurs nous ouvrent sur notre monde et ses questionnements. De 3 à 30 min, nous partageons ces moments de vie avec celui ou celle qui nous le conte.

J’aimerais parler de celui de Marion Pillas, enfant de pied noir et du paradis perdu : L’Algérie, c’est le pays de ma mère.

Ce podcast sensible montre les difficultés et les méthodes de transmission d’une histoire douloureuse.

Elle nous raconte sa passion et ses recherches pour ce pays, l’Algérie et ses histoires qui en découlent. Elle enregistre les discussions avec sa mère. Elle nous fait partager ces moments intimes en famille sur cette histoire et ses traumatismes. Sa mère nous parle donc indirectement de sa vie là-bas. Elle nous raconte l’arrivée de ses arrière-grands-parents en Algérie en 1850, où et comment ils vivaient. Marion Pillas fait le lien entre l’interview de sa mère et ses auditeurs. Au fur et à mesure de ce que sa mère nous raconte, elle nous donne quelques précisions en aparté. Ce jonglage entre discussions intimes et discours public est très sensible et, comme si elle nous invitait à rentrer chez elle, elle nous embarque de façon subtile dans cette intimité.

Après de nombreuses années dédiées à la recherche sur les pieds noirs en Algérie, Marion nous expose le problème qui persiste ; le questionnement sur son identité.

Puis, nous retournons dans l’ambiance familiale avec le carnet de bord retrouvé du grand-père, sur les derniers mois en Algérie. Ils nous lisent des extraits. Ce carnet, comme un journal intime, raconte la guerre, les morts et les bombardements à Alger. Le carnet est l’élément déclencheur. C’est comme ça qu’elle arrive à faire parler sa mère, qu’elle lui parle d’autres choses que ses anecdotes d’enfance. La violence des faits lui « a fait oublier ces moments-là ». Au fur et à mesure de la discussion, on se rend compte que le silence régnait sur ces évènements et sur ce départ brutal. Comme beaucoup, ce ne sont que des fragments avec lesquels on essaye de faire un maigre collage pour reconstituer son histoire.

Elle pose la question à sa mère : « Que penses-tu m’avoir transmis de cette histoire-là ? “Elle admet ne pas avoir voulu transmettre sa vie heureuse dans ce pays qui du jour au lendemain s’est brisée, accompagnée de la guerre. Elle parle du sentiment qui l’habite depuis la guerre, que tout peut s’arrêter à tout moment, qu’elle a l’impression de vivre avec une épée au-dessus de la tête. Comment transmettre une histoire sans transmettre les traumatismes qui l’accompagnent ?

Ce qui m’a particulièrement intéressé dans ce podcast c’est la manière dont est montrée cette quête d’identité. Comment le silence sur des évènements douloureux amène l’incompréhension et le questionnement des générations suivantes. Le montage de l’interview très touchante et de sa voix qui s’adresse à nous est très réussi pour faire rentrer dans l’histoire sans rentrer dans un pathos.

Les bruitages et fonds sonores font le lien aussi entre ces deux vies. Par exemple la mer lorsqu’on parle d’Algérie et le métro lorsqu’on est de retour à Paris.

Dans la deuxième partie de son témoignage, elle fait intervenir une amie à elle, Saleha. Ses parents sont Algériens, des harkis, arrivés aussi en 1962 en France.

Elle met leurs rapports très différents en parallèle. Saleha parle aussi du silence qui planait sur toute sa famille, aussi bien du côté de son père que de sa mère. Mais elle, elle a un rapport plus compliqué envers l’Algérie, comme un certain dégoût. À la différence de Marion qui n’y a jamais mis les pieds, elle y allait quand elle était jeune.

Marion se questionne donc sur la légitimité à aimer l’Algérie et la culpabilité d’être enfant de pied noir.

Elle finit par interviewer une autre amie, aussi fille de pied noir, qui a eu la même obsession qu’elle pour l’Algérie. Elle a donc décidé d’y aller seule contre l’avis de sa famille. Un éblouissement.

Marion revient vers sa mère qui sans prévenir avait décidé d’y retourner, seule. Elle parle de la mémoire du corps. Elle ne reconnaissait rien, mais son corps s’est arrêté devant son ancien immeuble. Elle est partie avec des amis algériens. Elle explique que c’était un voyage de réparation, pour elle et pour ce qu’est devenu le pays. Elle avait besoin de se confronter à son histoire, avant de la transmettre. Elle explique à sa fille aussi qu’elle avait peur qu’elle n’aime pas l’Algérie comme elle. Elle parle du fait que finalement son Algérie n’existe plus.

Marion montre que la transmission de cette histoire s’est faite en plusieurs étapes, et qu’il a fallu faire des compromis et trouver une solution à deux. Sa mère finit sur ce qu’elle pourrait transmettre à ses petites-filles, comme la cuisine de son pays, mais que pour un parent c’est impensable de « raconter la guerre à ses enfants ».

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