DIY, faire connexion entre art et science : la plateforme Hackteria

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Réalisations Curiosités
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Comprendre les machines qui nous entourent, fabriquer nos propres outils ensemble, expérimenter et rendre accessible des savoirs, c’est ce qui a rassemblé Andy Gracie, Marc Duseiller et Yashas Shetty en 2009 autour du projet Hackteria. Rassembler des pratiques du bio art [1] avec les savoirs scientifiques et former une collection de différents projets était l’idée initiale de ses trois créateurs, qui s’est développée en workshops et en une base de données en ligne. Plus de 150 workshops plus tard donnés dans le monde entier, Hackteria est devenu un large réseau.

Expérimenter ensemble

Le projet a été initié en 2009 après l’Interactivos?09 Garage Science au MediaLab Prado à Madrid. Le but des trois créateurs, Andy Gracie, Marc Duseiller et Yashas Shetty est de rassembler des ressources libres afin de développer des projets expérimentaux dans le domaine artistique et biologique. Ils tendent à vouloir combler l’écart entre les savoirs scientifiques et les pratiques populaires et défendent des connaissances libres et accessibles à tous·tes ainsi qu’une pratique hors des laboratoires officiels et des institutions artistiques. Leur but est de rassembler diverses personnes intéressées à créer ensemble : scientifiques, artistes, philosophes, professeurs, enfants…

Hackteria développe des outils open source [2] et des équipements de laboratoire en open hardware [3], dans le but que cela soit accessible matériellement et économiquement à tous·tes (exemple : créer un microscope à partir d’une webcam [4].

Publier, documenter, mettre en ligne

Le wiki de Hackteria [5] recense gratuitement des données, guides, tutoriels, modèles, documente les événements organisés, les débats afin que tous·tes puissent y contribuer et s’investir. À ce jour 132 projets sont répertoriés, avec des expérimentations allant de comment faire du tofu au kit de modification génétique DIY.

Iels militent pour un libre accès aux savoirs et aux matériels scientifiques dans le monde entier, à travers cette base de données en ligne, mais aussi en réfléchissant à des laboratoires DIY mobiles.

Artiste et biohacking, diférer et donner naissance à des récits poétiques

Maya Minder est artiste et s’intéresse notamment à la cuisine [6] qu’elle voit comme processus de transformation humaine et qu’elle combine avec des idées d’une coexistence symbiotique entre les plantes, les animaux et les humains.

Elle a participé à la fondation de BadLab en 2018 qui fait partie du réseau Hackteria. C’est un collectif non hiérarchique et un réseau de femmes qui explore des pratiques collaboratives et spéculatives à l’intersection de l’art et de la science. Elle s’inscrit dans la mouvance du bio-hacking et s’en sert pour créer collectivement des récits à travers la nourriture et la cuisine.

Exemple de travail de Urs Gaudenz

Urs Gaudenz est ingénieur et est à l’origine du laboratoire GaudiLabs. Ce laboratoire conduit une recherche dans l’open source en culture technologique. Iels y développent des méthodes et des processus dans le but d’unir les gens et les savoirs de différents domaines. Iels sont notamment à l’origine du projet OpenDrop [7] qui développe des plateformes microfluidiques numériques open source.

Il est également le créateur du GynePunk spéculum [8] en 3D dont les fichiers sont accessibles librement.

GynePunk

Le collectif GynePunk mène une action autour de la gynécologie DIY et des expérimentations qui rentrent dans le domaine d’action de Hackteria. Klau Kinky, à l’origine du collectif, travaille et recherche autour de la décolonisation du corps de la femme, particulièrement dans le domaine de la gynécologie. Ensemble, elles militent et agissent pour une repossession du corps de la femme, des outils gynécologiques et des systèmes de santé qui l’entourent.

Elles travaillent autour des sex-toys, des lubrifiants DIY, aux maladies vaginales, conçoivent des outils DIY pour analyser les fluides corporels, une centrifugeuse, un microscope, un incubateur.

« Je veux de l’hérésie glandulaire, des sorcières gynepunks, des potions abortives maison, des gangs de sages-femmes, des avortons de paillettes, du placenta dans tous les coins, des techniques d’analyses piratées, des biolabs ephémères, des labos autogérés, des réunions secrètes dans des infirmeries hitech, des blouses noires ou à carreaux … Jetons notre sang autoprelevé sur la porte de ce putain de Parlement, qu’il s’y écrase telle la rivière bouillonnante de notre colère ! Gynepunk est le geste précis et extrême qui détache nos corps de la dépendance compulsive aux structures fossilisés de la machinerie sanitaire hégémonique. » [9]

Spéculum imprimé en 3D

En récupérant les fichiers sur thingsverse.com et les donnant à l’imprimante 3D au rez-de-chaussée de l’annexe, en deux heures et quarante-sept minutes j’obtiens le modèle 3D du GynePunk spéculum en plastique gris clair. Il est devenu tangible et accessible à la manipulation dans un temps assez court, bien qu’inutilisable tel quel et comportant des défauts de fabrication, on peut imaginer que cette expérimentation représente quelques-uns des enjeux liés à l’impression 3D et à la science DIY.

Sources
1 : Le terme bio art émerge en 1977, définit un mouvement dans l’art qui prend comme medium les ressources de la biotechnologie
2 : open source : c’est-à-dire dont le code est accessible gratuitement et modifiable
3 : open harware : matériel [artefacts tangibles] dont les plans sont accessibles gratuitement
4 : Tutoriel pour fabriquer un microscope à partir d’une webcam traduit en français
5 : Lien du wiki
6 : Workshop mené par Maya Minder
7 : Projet mené par GaudiLabs
8 : Le GynePunk Speculum de Urs Gaudenz
9 : Extrait du manifeste GynePunk

Source des images
Image 1
Image 2, copyright Urs Gaudenz, GaudiLabs, 2015
• Images 3, 4, 5, 6, Philippine Talamona