Juste avant – Intime & Politique

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Curiosités
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Une question sans réponse.

Juste avant, documentaire sonore en sept épisodes de 20 à 39 minutes, où Ovidie, s’interroge sur l’éducation de sa fille de 14 ans en tant que femme féministe. Elle y convoque son enfant, ses amis, sa famille et c’est à travers les discussions qu’elle mène avec chacun, que sa réflexion progresse. Chaque épisode traite d’un thème allant du harcèlement de rue au rapport que l’on a aux canons de beautés, tous lié aux souvenirs que la réalisatrice a de sa propre adolescence. Il est produit par Nouvelles Écoutes et fait partie du flux de podcast féministe Intime & Politique chapeauté par Lauren Bastide.

Ovidie est une féministe convaincue de longue date. On l’apprend dans l’épisode 6 où, au cours de sa discussion avec sa mère, celle-ci évoque à quel point, déjà à l’adolescence, sa fille l’impressionnait par ses réflexions politique et féministe. Très vite, elle se rend compte que le corps, le sexe, la pornographie, sont des outils essentiels pour la libération de la femme et décide de se lancer dans l’industrie X en tant qu’actrice. Depuis, ces thèmes ne l’ont plus lâché, elle est désormais derrière la caméra ou le micro, la plume pour réaliser, écrire, bref, raconter des contenus militants.

Il ne pouvait y avoir que le studio Nouvelles Écoutes pour accueillir Ovidie, lui-même qui s’est développé autour du podcast féministe La Poudre. Créé par deux journalistes publiés dans Le Monde, Elle, GQ, ou Le Grand Journal, c’est en novembre 2016 qu’ils accouchent de Nouvelles Écoutes. Dans cette entreprise Julien Neuville à un rôle plus en retrait, celle sous le feu des projecteurs, c’est Lauren Bastide, avec sa voix hypnotisante, elle interviews des femmes dans son Podcast La Poudre. Succès immédiat, l’entreprise s’est rapidement développée pour produire aujourd’hui dix-sept podcasts sur des thèmes de société variés. Leur recette ? La sincérité, c’est ce qu’ils préconisent dans leurs dépliant Le petit guide du podcast.

Tout est dit dans le générique d’ouverture « pour une femme dire “je” c’est politique », Ovidie parle à la première personne ainsi que chaque intervenant. Ils racontent ici leur propre vécu, pas besoin de faux-semblants, d’embellir ou d’amplifier les événements, la réalité est déjà un scénario bien ficelé. Ce podcast transpire l’honnêteté, on y entend une mère, tiraillée entre ses convictions féministes et son besoin de protéger de tout son enfant. On le comprend très vite, dans l’épisode 1 « Moi à ton âge » : Ovidie dit : « Je te donne un exemple [elle parle à Clarence Edgard-Rosa, une amie], l’autre jour, elle va chez le coiffeur. Je la regarde partir, elle fait plus d’un mètre soixante-dix, elle avait encore un short qui était taille 12 ans, donc autant te dire que c’était le mini-mini-short.
[…]
Ma première réaction ça a été de te dire [elle parle à sa fille] “si tu sors comme ça, tu ne sors pas seule” alors que tu devais aller seulement au bout de la rue et ce qui est terrible, c’est que je me suis sentie soulagée de savoir que tu partais avec ton père. En fait, c’est hyper paternaliste […] c’est affreux moi quand je pense des trucs comme ça, j’ai envie de me mettre des baffes. » De nouveau, cette contradiction s’impose dans l’épisode 6 « sois belle et bats-toi » ou Ovidie évoque le fait qu’elle s’épile, qu’elle fait des régimes, alors même qu’elle conseille à sa fille de ne surtout jamais commencer. Ces dichotomies entre ce que l’on pense et ce que l’on fait, sont constantes dans la lutte féministe, « C’est un dilemme qui ne peut pas être résolu » dit Ovidie dans une interview pour Les Inrockuptibles. Cette femme, dont les réflexions féministes précèdent les miennes, n’a pas la solution parce qu’il n’y en a pas. Ça fait du bien de se l’entendre dire, être féministe, c’est être pétrie de contradictions, de questionnement, de doutes, puisque le féminisme, c’est remettre en question l’origine même de la société dans laquelle on évolue. L’image de la boîte de Pandore est là, une fois ouverte, c’est à la fois un monde complètement nouveau, plein de curiosités, de prise de pouvoir, d’affirmation de soi et à la fois une remise en question permanente, « Pourquoi je me maquille, je m’épile ? » « Ai-je envie de salade ou la société m’incite à faire ce choix ? » « Dois-je sortir habiller de cette jupe, au risque de quelques doigts qui pénètreraient ma culotte dans le métro ? » la liste est infinie et les contradictions qui suivent avec. Dans ce podcast, Ovidie ne donne aucune solution, mais elle met des mots sur des questionnements qu’elle se pose et qui nous traverses tou·te·s, nous féministes. Elle partage la culpabilité inhérente au féminisme, un sujet trop souvent mis sous le tapis.