Le Vortex ou les sciences en colocation

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Réalisations Curiosités
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Le Vortex est une chaîne YouTube de vulgarisation scientifique propulsée par Arte mettant à l’honneur un croisement des points de vue et des disciplines.

Vous vous sentez trop seul à tenter d’imprimer vos meubles en 3D ? Vous vous posez des questions quant à la potentielle dégradation de votre cerveau suite à votre récente inscription sur Tweeter et cherchez du monde pour en parler ? Vous vous demandez peut-être simplement pourquoi vous avez perdu 2 h de votre temps à chercher des photos d’animaux mignons sur internet ? Ou bien vous êtes simplement curieux de sujets divers et variés avec des points de vue croisés. Le Vortex pourrait vous intéresser.
Cette chaîne YouTube lancée en mars 2019 propose de faire se rencontrer les expertises et centres d’intérêt de vidéastes produisant des contenus dans le domaine des sciences et de la culture. Le concept est simple : quatre chaînes de vulgarisation déjà existantes sur YouTube réunies dans une colocation fictive pour produire chacune une série de vidéos sur un thème qui leur est propre en faisant régulièrement intervenir les autres membres du groupe. La première saison a par exemple permis de mettre en évidence des liens entre la biologie et l’archéologie ou l’informatique. La formule semble plaire puisqu’en deux mois la chaîne du Vortex avait déjà atteint le million de vues et les 100 000 abonnés.

À l’origine du projet, Léo Grasset, officiant sur la chaîne Dirty Biology explique qu’il existe déjà de nombreux moyens pour les vidéastes vulgarisateurs de travailler ensemble, surtout sous forme de collaborations ponctuelles, mais qu’aucune chaîne réellement collaborative n’existait alors, du moins pas sur le YouTube francophone. L’idée lui serait alors venue lors d’un projet documentaire mené avec Arte de proposer à la chaîne de télévision franco-allemande un partenariat pour palier ce manque de discussion entre jeunes espoirs de la vulgarisation sur internet. Les producteurs de la série ont de toute évidence joué un rôle important tant dans l’aspect esthétique qu’au niveau de la couverture médiatique du projet. On peut citer premièrement Arte donc, qui diffuse les épisodes sur son propre site consacré aux contenus numériques de la chaîne, mais qui permet d’apposer un « label », une sorte de validation reconnue dans le milieu de la vulgarisation et du documentaire en plus des fonds apportés à la production des épisodes. On retrouve également parmi les producteurs Dailymotion, le CNRS ainsi que NES, pour Nerd Entertainment System.

Le format des vidéos est fixe, quel que soit le vidéaste prenant la parole l’épisode suivra un déroulé type permettant de garder un aspect d’ensemble, tant sur le plan visuel que narratif. Ainsi, chaque vidéo commence et termine par une scène d’échange fictionnel entre les différents personnages à l’écran permettant de contextualiser le sujet du jour. Dans l’épisode sur la nourriture du futur, on voit Léa Bello proposer aux autres colocataires de manger des repas en poudre au déjeuner, ces mêmes repas qui finiront par être consommés par tous malgré la réticence générale dans les dernières secondes de la vidéo. Ces passages ont a priori tous été improvisés :  en effet, le tournage d’une saison dure 10 jours au total pendant lesquels la coloc fictive du Vortex vit réellement ensemble. Les caméras étaient donc toujours à disposition, dans le but de capter des moments les plus spontanés possibles, selon Léo Grasset. Dans la première saison, on peut voir apparaître à plusieurs reprises Ronan Letoqueux, également connu sous le pseudo de RealMyop, crédité en tant que réalisateur et fondateur de NES. Cette société de production audiovisuelle, d’abord centrée autour du jeu vidéo, a la particularité de ne produire du contenu que sur internet. Pour le Vortex, elle s’est occupée de toute la partie montage et postproduction, permettant aux vidéastes de se focaliser uniquement sur l’écriture et le tournage. Le parti pris visuel est donc clairement assumé et centré autour de la culture internet. Les éléments visibles à l’écran alternent entre documents « scientifiques », des cartes, tableaux statistiques, citations ou films illustrant directement les propos du vulgarisateur, comme les machines agro-alimentaires dans la vidéo sur la nourriture, mais réutilisent aussi certains codes comme le facecam, des memes et des gifs venant accompagner le propos, des codes également utilisés dans la plupart des vidéos que l’on peut retrouver sur leur chaîne personnelle. Ces éléments sont renforcé par le type de langage choisi, plutôt décontracté et semblant nous indiquer avant tout une chose : nous sommes là pour apprendre évidemment, mais pas de manière austère.

Si la collaboration et l’échange de savoirs permis par ce projet semblent avant tout bénéfiques pour les youtubeurs (n’étant pas sélectionnés en fonction du nombre d’abonnés, certains ont pu bénéficier du coup de « pub » du Vortex pour leur chaîne personnelle : j’ai pour ma part pu découvrir la chaîne de Scilabus, ayant beaucoup apprécié sa série de vidéos sur l’impression 3D), la particularité de cette chaîne YouTube réside aussi dans son ouverture au public et son interactivité. Le format des vidéos étant relativement court (entre 7 et 12 minutes environ), la frustration se fait parfois sentir sur certains sujets. On aurait aimé, en savoir plus, creuser la question sous différents angles. Et puis si l’ont déroule la section commentaires, on peut voir que certains abonnés semblent très renseignés sur certains sujets et en mesure de relever des incohérences et des raccourcis. Pour répondre à tout cela, le Vortex a mis en place durant la saison 1 un planning de lives YouTube permettant de revenir sur les vidéos d’un vulgarisateur en particulier à travers une sélection de commentaires, des quizz et la présence d’un ou plusieurs invités, souvent chercheurs au CNRS et spécialistes de la question. Ces moments permettent souvent de corroborer et approfondir les propos d’un vidéaste, mettant en avant sa démarche synthétique, mais aussi le moment d’exposer certaines étapes du processus de création de la vidéo. Avec la saison 2, le lien entre vidéos et lives change. Les membres de la colocation du Vortex ne font plus forcément une série de vidéos reliées par un thème commun. Les lives permettent alors d’inviter d’autres vidéastes pour explorer d’autres sujets, comme l’histoire de la médecine avec le Dr François Morel de la chaîne Primum Non Nocere.

En attendant les lives, on peut aussi se rendre sur le Discord de la chaîne, un réseau social à mi-chemin entre Skype et un forum. Ici, on peut vraiment se promener dans la colocation. En effet, les canaux de discussion portent tous des noms de pièces d’une maison fictive et correspondant chacun à un type de conversation. Les pièces du rez-de-chaussée comme le salon ou la terrasse sont plutôt réservées à des sujets généraux où les nouveaux arrivants peuvent se rencontrer. Les pièces des étages correspondent elles aux chambres de chaque youtubeur et concernent des questions ou des discussions spécifiquement orientées sur les vidéos de ces derniers. Ici on peut donc rencontrer une vraie communauté de spécialistes divers prêts à répondre à votre appel si vous êtes piqués d’une brusque crise de curiosité. Certains projets parallèles ont d’ailleurs pu déjà apparaître sur ce Discord, notamment « Ma thèse en synthèse », des événements audio ponctuels permettant à des doctorants de partager leur sujet de recherche, à la manière de conférences numériques. Les lives et le Discord du Vortex constitue une tentative d’évitement des écueils classiques des vidéos de vulgarisation sur YouTube selon moi : le manque d’interaction avec la communauté faute de temps, les commentaires pertinents noyés dans la masse et trop vite disparus. Les formats des vidéos courtes faisant écho à un humour et une culture propre aux réseaux sociaux sont inscrits dans leur temps, faits pour parler à un public hétérogène et non spécialiste, mais à qui on laisse facilement la possibilité d’approfondir ses connaissances. La promesse initiale du projet, celle de recréer du dialogue dans la communauté de la vulgarisation scientifique francophone semble tenue pour celles et ceux osant franchir le pas de cette colocation qui compte désormais bien plus que quatre vidéastes indépendants.

La saison 2 du Vortex a débuté en septembre 2019 avec quatre nouveaux vidéastes dont vous pouvez d’ores et déjà découvrir les contenus et dont les sujets tournent cette fois-ci plutôt autour de l’histoire, de la pensée critique et de découvertes insolites !